Day #8, Day #9

Publié le par Arnaud

La cadence festivalière nous aura ! Un jour de retard, ce sont donc deux journées qui seront à narrer ici même. Sortant du cadre du festival à deux reprises, je m’autorise à ne pas vous parler (pas encore) de La Chronique des morts, Romero et Le Voyage aux Pyréennes, frères Larrieu. Restent alors ces trois films de Brillante Mendoza : The Teacher, Summer Heat et Serbis. Un documentaire pour deux fictions (quoique…), il semblerait qu’on soit finalement plongé dans la colonne vertébrale de la croisette 2008 : Documentaires – Fictions (documentaires/fictions, documentaires et fictions, documentaires et/ou fictions… à voir).

Summer Heat, des quatre Mendoza vus dans ce festival, est celui qui dérange le plus dans son esthétique feuilleton télévisé (voir Notre Cinéma en lien à gauche pour avis contraire). Brillante Mendoza aborde toujours son pays, les Philippine, par l’intermédiaire d’une famille. Là où Summer Heat est déjà bien moins ambitieux, c’est que la famille n’entretient pas de réels ponts avec le monde autour d’elle, la cellule est refermée sur elle-même et s’autodétruit.

Dans The teacher, le documentaire pleinement assumé, la famille se réduit principalement à une fille et son père. C’est lors d’un trajet en pleine nature que la caméra y trouvera la sincérité la plus franche, filmant au plus près de leur corps, les suivant, parcourant les chemins longuement, où un plan subitement fait acte d’une ligne dessinée entre la montagne et le ciel, ascendance qui semble attester de leur volonté, de leur rare bonté à vouloir enseigner. La jeune fille enseigne l’écriture lors des périodes électorales, les trois seuls noms des candidats qu’elle inscrit à la craie blanche sur un tableau devant un groupe d’illettrés. « Le combat contre l’ignorance continue », une des phrases qui précède le film. Et c’est au générique que cette phrase nous revient à l’esprit, renforçant les nécessités de diffusion d’un tel documentaire en France et ailleurs. Ces documentaires sont une trace vitale, les témoins d’un ailleurs où la fracture qui s’est creusée nous a bien souvent aveuglé, le bain de l’ignorance est tellement plus doux que celui de la connaissance… Quel contstat. Bien sûr qu’on se doute que les élections ne se déroulent pas de la même manière aux Philippines qu’en France, mais l’intimité percée de la signature faite d’une main tremblante jusqu’à la sortie du bureau de vote, fait naître une émotion dans l’accomplissement du geste citoyen, alors qu’il s’agit d’un acte de raison pure - formidable.


Parlons du film le plus réussi des trois, un des meilleurs du festival soit dit en passant : Serbis. C’est lorsque Mendoza prend le temps de filmer ces corps (et paradoxalement durant un tournage très serré, 12 jours) et de les inscrire dans une durée conséquente que son cinéma est le plus fort. Serbis signifie service en français, les services qui ont lieu dans un cinéma porno à trois étages tenu par une famille qui s’étend sur trois générations. La grand-mère est en procès avec son mari pour cause de bigamie, voilà qui semble s’imposer comme seule intrigue du film, et finalement bien vite avortée. L’intérêt se situe dans l’image même, et dans ce travail au son particulier : les corps sont dans ce même espace qu’est ce cinéma porno, mais encerclés par une ambiance sonore qui diffère : la rue et son brouhaha permanent, les papotages des adolescents, les gémissements érotiques de la salle de cinéma, les silences pesants  au détour d’un couloir… Un a un furoncle énorme sur la fesse, il peut difficilement coucher avec sa copine, certaines positions le gêne, il peine à marcher et à monter les escaliers – l’abcès est à crever dans cette famille qui semble se désunir sous nos yeux malgré des tentatives désespérées d’apaisement. On rechercher à percer pour mieux voir, un nouvel élan et surtout une remise à niveau, à plat : l’effacement est double, on essuie avec vigueur des graffitis sur un mur, plus tard on repeindra le mur entier de peinture blanche. Partiellement ou totalement, on souhaiterait pouvoir s’avouer qu’on s’aime, et conscient de l’environnement dans lequel cette famille évolue, il est pourtant cet obstacle massif et incontournable à l’entente. J’ai tendance à penser que les bidonvilles de manille ont pris la forme d’un cinéma ici, pour y insérer cette dimension sexuelle notamment – un environnement qui influe sur l’individu, tel semble être le leitmotiv de Mendoza (excepté pour Summer Heat, et forcément, le moins réussi – les individus s’influencent les uns les autres). Les bidonvilles de Slingshot forcent ce mode de vie, cette loi de la nature, du plus fort, et ces irruptions soudaines de violence – The teacher montre bien comment une personne peut, à travers cette quête de la connaissance, du pouvoir par l’esprit, tenter de modifier un système établit, avec ses forces dans son aspect le plus tragique, cette solitude (les larmes finales). Serbis est de ces films qui vous laissent des marques, ces images lancinantes de corps qui montent les escaliers, fatigués, éclopés, avec vigueur, charme, ou la jeunesse la plus tendre côtoie les visages marqués par le temps. Le film se terminera dans les cendres, embrasement de la pellicule, les voix se perdent, les corps disparaissent, tout était là et c’est déjà fini. « En littérature, il y a beaucoup de passé et un peu de futur, mais il n'y a pas de présent. Au cinéma, il n'y a que du présent qui ne fait que passer » JLG

Fin du festival ?

Demain, un Kaurimäki peut-être, le Raya Martin certainement. Il faudra revenir sur le récent palmarès. Et puis revenir sur cet entretien merveilleux de Louis Garrel dans les Cahiers, sur le Romero pourquoi pas. Le cinéma en été, j'adore ça !

 


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S
Les photos de Serbis (B. Mendoza) et de De La Guerre (B. Bonello) sont troublantes.
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