"Préparer un film comme une bataille" Bresson
Louis Malle : "Je préfère quand le spectateur sort avec des questions plutôt qu'avec des réponses". Phrase à mon avis fondamentale quand on aime le cinéma et d'une pertinence inouïe.
Refermons cette parenthèse bien trop longue pour revenir quelque peu sur Godard. Lorsque j’ai vu pour la première fois un de ses films, ce fut la déception qui régnait en moi. C'était A bout de souffle et il n’avait rien d’un film novateur… Et j’ai d’ailleurs appris lors d’une interview d’Alain Bergala qu’il avait sensiblement reçu le film de la même manière. C’est après une déception que Bergala est devenu ce que l’on sait à propos de Godard – comme quoi, rien n’est perdu ! Blague à part, Made in USA fut autrement plus passionnant qu’une déception, c’était une incompréhension. La déception forcément implique un éloignement quant au film, même si c’est souvent (et je pense que ce fut le cas pour A bout de souffle) l’attente bien trop haute qu’on se crée qui est la cause de la déception plus que le film en lui-même, tandis que l’incompréhension donne envie de percer le mystère ou la complexité, l’ésotérisme, pour cerner, assimiler, et digérer. Et il y a quelques jours, j’ai revu Made in USA (environ deux ans après donc). Autant dire que ce n’est ni une déception, ni une incompréhension, mais un enchantement. Pop art, Rolling Stones, Walt Disney, Bleu Blanc Rouge, Barman, Mai 68, Langage, Marianne Faithfull, Karina, Léaud, Communisme, Regard caméra, A-plats, Couleurs, Humphrey Bogart, Hollywood. Souvent j’écris une liste de mots qui me viennent à l’esprit une fois le film terminé, et voilà la liste de Made in USA. Ce titre est d'ailleurs en parfaite adéquation avec le pop-art (Wharhol et Lichtenstein en tête) : critique de la consommation de masse au moyen de cet art reproductible, manufacturé pourrait-on dire. Il s’agit d'un film que j’aime particulièrement chez Godard, et j’ai pris notamment conscience du travail sur la musique, ce que je n’avais quasiment pas remarqué je crois lors de la première vision. Il est d’ailleurs étonnant de voir comment sont utilisées les musiques dans les films de Godard, toujours avec une précision extrême, c’est un vrai travail de compositeur, cette alliance entre les plans et la musique, agencement méticuleux. Surtout que la grande, l’immense majorité des cinéastes – disons français – utilisent la musique à outrance pour combler un manque évident soit de scénario, soit dans le plan même. Le rôle de la musique est évidemment essentiel, et j’y reviendrais un autre jour certainement en ayant recours à des exemples précis (conseil que je donne autant à vous qu’à moi-même : lire Michel Chion).
J’aurais pu écrire sur la Nouvelle Vague et ce que j’en sais aujourd’hui mais d’autres l’ont fait mieux que moi et surtout il me manque encore certaines filmographies à compléter, une réflexion à nourrir. Je dirais simplement pour conclure cet article que les films de la Nouvelle Vague, aussi différents soient-ils, m’apportent une jouissance cinématographique extrême, et qu’au-delà d’une lubie grossière, c’est un véritable amour que j’éprouve pour ce cinéma riche et passionnant.