Steak is good

Publié le par Arnaud




Voilà, j’ai enfin acheté Steak. Vous savez ce film avec Eric et Ramzy sorti il y a 1 an et qui a fait un véritable bide (première fois que les deux comiques passent en dessous des 1 million de spectateurs, avec 300 000 entrées donc). Les Cahiers du cinéma faisaient alors partie des rares critiques à défendre le film, accordant même une interview aux deux acteurs et au réalisateur (N° 626, septembre). J’étais prévenu, Steak était un film à ne pas louper en salle… Vite retiré des affiches qui plus est, l’effet bouche à oreille n’a pas pu fonctionner et nombreux sont ceux à être passé à côté de ce drôle d’objet, moi le premier. Il fallait donc rattraper la bévue et je me suis procuré le DVD. Steak est un film surprenant sous plusieurs aspects notamment pour le cadrage soigné de Quentin Dupieux (réalisateur qui a un passé de DJ sous le nom de Mr. Oizo, et parait-il aussi de dessinateur de bandes dessinées). Quentin Dupieux a eu le très grand mérite de ne pas utiliser les personnages publics Eric et Ramzy qu’on connaît sur les plateaux télés pour les inscrire dans un univers en toc (Double zéro, Les Dalton) mais au contraire a su tirer des deux trublions certes leur force comique habituelle (bafouillage, répétition des fins de phrases, gestuelle hésitante…) mais aussi et surtout leur capacité à donner le rythme dans le cadre, et au film dans son entier. Et c’est le rythme si étrange qui confère au film cette intensité, cette gravité parfois. Là où Steak séduit en effet c’est aussi pour son aspect dramatique – on aura rarement autant ri jaune devant Blaise (Eric) lisant la lettre, dans un de ses délires dans son lit ou encore sur ces images en noir et blanc dans la clinique où il séjourna sept années. On ne reste pas hilare tout le long du film, l’humour est plus diffus que dans leurs précédentes comédies, tout y était souligné au trait noir. Un plan de 4 minutes contient ces élans contraires d’incompréhension et de drôlerie : la discussion dans la voiture entre Eric et Ramzy. Les deux personnages ne fonctionnent plus du tout de la même manière, les 7 années d’isolement de Blaise ont creusé le fossé, et c’est ce dysfonctionnement, la confrontation de ce qui est dit arriéré et à la mode, qui crée ce comique perturbant. Les types d’aujourd’hui qui sont à la pointe de la mode portent des blousons rouges, boivent du lait, se font refaire le visage, ne fument plus, et ont pour adage d’être « irréprochable au niveau de la tenue et du mental », ce sont les Chivers - des personnages du futurs, ou peut-être des extra-terrestres après tout. La séquence sublime où toute cette bande se retrouve sur un terrain de basket pour jouer à un jeu impossible à résumer (mixe de baseball, calcul mental…, voir la photo ci-dessous) mélange l’incongruité de la situation, un savant montage qui alterne des prises de vue de plus en plus rapprochées, avec une bande-son électro où tout semble désaccordé – tout cet ensemble suscite un intérêt énorme pour le spectateur, qui a désormais accepté les codes du film, le terrain de jeu est balisé et on peut maintenant y décliner les situations avec une liberté folle sans pour autant céder dans l’absurde jusqu’au-boutiste qui aurait pu nuire au film. Au contraire tout reste très modéré. La BO est tout simplement incroyable, parfois drôle, souvent électrisante, elle amplifie l'étrangeté qui émane des images, l'association est souvent riche.
Cette semaine est sorti dans les salles Seuls Two, réalisé par Eric et Ramzy. Espérons que leur premier film soit digne de leur talent, malheureusement trop souvent mis à mal au cinéma (j'y reviendrais une fois que je l'aurais vu, cette fois !).
Dans l’interview dans Les Cahiers du cinéma, Quentin Dupieux disait : « Il y a beaucoup de gens qui auraient dû aller le voir en salles et l’aimer, et qui ne l’ont pas fait justement parce que le film était vendu comme une grosse comédie avec Eric et Ramzy. On espère beaucoup de la carrière en DVD. » Voilà pourquoi, si comme moi vous êtes passé à côté, vous devriez acheter au plus vite le DVD pour découvrir ce film et entrer dans ce pays où il est ringard de dire « ringard ».

 

 










Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article